Quand Jeff Bezos piétine les ruines du service public français. Je vous invite avec moi, sur le terrain au sein de la multinationale La Poste.

  • LE REVE

J’adore le vélo, l’humain, le sens du service.

Bosser en intérim’ à la poste en tant que facteur à vélo électrique me motive. Travailler dans ma ville, créer du lien social, exercer un métier d’utilité publique, de proximité. Au téléphone, mon futur boss m’annonce chaleureusement « Tu peux faire des heures sup’ si tu veux, c’est vraiment comme tu veux ».

Je me dis « il a l’air plutôt humain », tout en restant sur mes gardes quant aux exigences inhumaines de pas mal de boîte faisant appel à des intérimaires. 

Le job : 100% distribution, dans le centre d’une ville moyenne de la région Auvergne-Rhône Alpes

  • LA FORMATION

Je suis formé par un intérimaire présent depuis deux mois et déjà sur le départ.

Il est très speed. Il se plaint auprès de moi et de clients des conditions de travail insupportables. Selon ses propos : il n’est « pas une pute », déclare qu’on le « surcharge toujours de travail ». Ses paroles me choquent. Mais moi, je n’ai pas le choix, je dois me nourrir, me loger, me soigner. Il me dit « ta journée de boulot, prend le comme ta séance de sport » ! « Si tu Continues comme ça, t’es mort ! » Il lui est arrivé plusieurs fois d’être agressif verbalement envers moi.

Pour déjeuner, il ne prend qu’une dizaine de minutes au lieu des 45 minutes mentionnées dans le contrat de travail. Pourquoi ? Car « c’est la course » comme dit la plus ancienne de l’équipe, une sorte d’employée modèle qui se met dans le moule à 100%.

  • NOUS SOMMES EXPLOITÉS

Sur le contrat, on commence à 8h45. La majorité des employés sont déjà prêts à bosser, en tenue à 8h20 voire avant.

Il y a comme une course au premier prêt à travailler bénévolement, à celui qui se fera le mieux voir par le « chef ». Ils espèrent une promotion ou simplement assurer leur place. Je suis prêt à bosser à 8h45, comme c’est écrit sur mon contrat de travail. Il faut croire qu’il y en a qui aiment se faire exploiter, qui pensent que c’est la seule option. J’ai une vision plus désirable de l’avenir et je suis contre l’asservissement.

La cadence est infernale. Je croule sous le courrier. Au début je me dis : « c’est parce que c’est le début, je suis en rodage ». Une fois que je connais bien ma tournée au bout d’un mois, je sais que j’ai atteint mon pic d’efficacité.

Mon contrat indique qu’il n’y a pas de pénibilité. Faux !

Chaque botte de courrier pèse entre 1kg et 3kg et j’en ai en moyenne huit dans mon vélo que je charge et décharge matin et après-midi. Le vélo chargé pèse 60kg. Il y a un port répétitif de charges lourdes. De multiples gestes sont répétitifs. La pression d’aller vite au sein de la circulation automobile et piétonne sont néfastes pour la santé. Il m’est arrivé de chuter très lourdement une fois sur du gravier, ce qui m’a arrêté un jour.

  • JEFF BEZOS, NOUVEL EMPEREUR

Un big boss nous fait comprendre au briefing que si La Poste continue de pérenniser nos emplois, c’est grâce à Amazon. La livraison de colis, c’est 50% du chiffre d’affaire, il convient de s’aligner, faute de choix. Le géant du commerce en ligne est l’avenir de La Poste.

C’est à se demander si on ne devrait pas mettre un portrait du multi-milliardaire, troisième fortune mondiale  dans chaque bureau de poste pour l’aduler.

  • LE MANAGEMENT: DIVISER POUR MIEUX RÉGNER

Le manager 3.0 est un jeune d’une trentaine d’années, toujours pressé, écouteurs à conduction fixé sur la tête, les dents qui rayent le parquet. Il ne parle que de chiffres, de ventes, de croissance, de concurrence et de termes techniques pour nous enfumer. Il est toujours pressé. Il a une nauséabonde mais néanmoins habile manière de mettre les membres de son équipe en compétition. Usant de son charme, il établit un rapport de domination, intimide et fait du chantage. Le tout sous couvert d’un humour plus que discutable.

Le seul à avoir obtenu un CDI lors de mon passage, c’est un petit jeune qui voyait le CDI comme un Graal. Pour ce faire, il répondait « oui » à toutes les directives y compris les moins réalisables. Jusqu’à quand ? Un burn out?  Un arrêt maladie ?

De ce côté là, j’ai donné, je passe mon tour. Je me préserve.

Ce que les boss apprécient, ce sont les « rouleurs », ceux qui connaissent plusieurs tournées. Pratique pour boucher les trous dès que « chef suprême » comme s’amuse à l’appeler un intérimaire, l’ordonne de manière menaçante ou avec chantage, sous prétexte de boutade.

Lors de mes premiers jours, « chef suprême » me demande si je serai intéressé de devenir rouleur. Il me vend l’argument « c’est payé 10% de plus ». Je fait comprendre que pour l’instant, apprendre ma tournée me suffit amplement.

  • MANIPULATION, BRIMADES, MISE SOUS PRESSION

Les commentaires de nos supérieurs hiérarchiques sont toujours négatifs, pessimistes ou dévalorisants. Un petit jeune fraîchement en CDI est victime de brimades. Il se fait ouvertement bizuter par deux collègues. Je découvre progressivement que le boss est manipulateur, se met dans la poche 2-3 salariés soigneusement choisis : jeunes (plus ou moins 25 ans), en quête de pouvoir, de reconnaissance et peu scrupuleux envers leurs collègues pour parvenir à ses fins.

Imbu de pouvoir, mon manager adore qu’on l’appelle « chef » à tout bout de champ. Il me parle en utilisant des terme de productivité comme « cranter ». Il m’explique que cela désigne le fait de gagner en efficacité. « On va cranter » qu’il disait, comme si lui avait un rôle dans la tournée que je faisais. Il me fait comprendre avec des termes très adroits et détournés d’aller toujours et encore plus vite.

Mes contrats sont renouvelés à la semaine. Il tente par tous les moyens de me mettre la pression pour que j’aille plus vite. Jusqu’à ce que j’adopte la réponse à chaque fois qu’il me demande comment ça se passe : « je fais de mon mieux », en paraissant imperméable à ses propos.

Cela finit par lui clouer un peu le bec et lui faire comprendre que je ne vais pas mettre ma santé en danger pour satisfaire un niveau de rentabilité inhumain.

Un manager qui, alors que je me donne à 100% depuis un mois, vient sur ma fin de tournée à vélo avec un nouveau venu et me dit « Je suis en train de former un nouveau facteur », « j’ai l’impression que tu stagnes un peu non ? », en me fixant longuement d’un regard inquisiteur, l’air antipathique et méprisant.

En pause il m’a également dit devant plusieurs employés « les intérimaires vous êtes ceux qui nous coûtez le plus cher et vous êtes ceux qui sautent en premier ». Et Jeff Bezos, il coûte combien ?

Lors d’un briefing matinal, le manager menace ceux qui ne finissent pas leur tournée qu’ils ne pourront plus continuer. Instantanément je prends la décision de ne pas renouveler mon contrat. C’en est trop.

  • LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS EN DANGER

Au bout de deux mois je fais le bilan : c’est trop usant. J’ai été plusieurs jours à la limite d’arrêter. Même lorsqu’il pleut des cordes, on est dehors, trempés, frigorifiés.

Je me rends rapidement compte que les intérimaires qui sont passés avant moi se sont laissé presser le citron au delà de l’entendement. Ils courraient toute la journée, engloutissaient leur sandwich et repartaient direct sur la tournée de l’après-midi, faisaient des heures sups tout le temps.

C’est fou ce que certains sont prêts à accepter comme traitement.

J’ai été recruté car le titulaire de ma tournée est en arrêt maladie. Pourquoi ? Je ne le saurai jamais. Un autre est en accident de travail. Il reprend au bout de plusieurs mois pour se mettre à 80%. Un autre quinquagénaire est aussi à 80%.

Une ancienne nous raconte que depuis ses débuts, il y a eu des morts. Tous n’ont pas survécu. Elle n’en dira pas plus.

Une salariée qui a de l’ancienneté est en mi-temps thérapeutique. Ce qu’elle aime, m’avouait-elle, c’est prendre le temps avec les clients. Hors on lui demandait tout l’inverse.

Le métier de facteur à vélo demande énormément de concentration continue pendant minimum 6h dans la journée. Beaucoup de gestes sont répétitifs. Je dois courir tout le temps et faire des heures sup pour finir ma tournée. Les recommandés avec accusé de réception nous prennent énormément de temps. Parfois nous en avons jusqu’à cent par jour.

À tel point que nous n’avons pas le temps de sonner, nous avisons d’office. Et quand il y a des réclamations bien sûr, c’est pour notre pomme. 

Le team Building ? Dans le bureau de poste, le boss parle de karting ou de laser game à venir. Polluer en allant le plus vite possible ou jouer à la guerre. On repassera pour l’esprit d’équipe.

  • MON COUP DE GUEULE EN PLEIN BRIEFING

La veille du briefing, j’informe mon chef que, mon contrat prenant fin dans deux jours, j’arrête car le travail ne me convient pas.

En introduction du briefing, la n+2 invective de manière très désagréable une employée en mi-temps thérapeutique. Le prétexte: elle fait un bruit dérangeant avec des feuilles. C’est la goûte d’eau qui fait déborder le vase.

S’en prendre à quelqu’un de malade et la rabaisser devant les autres ! La lâcheté à l’état pur. Décourager et pousser vers la sortie les gens les plus humains, les plus consciencieux, voilà la réalité du groupe La Poste. J’ai tenu 2 mois à faire le petit soldat laborieux sans broncher et qui se prend tous les jours des remarques méprisantes, désagréables. 

J’ouvre ma gueule en briefing devant vingt employés et deux supérieurs hiérarchiques. J’énumère une bonne partie des faits cités précédemment.

Les deux responsables sont surpris, presque impuissants, déstabilisés. Mes collègues m’écoute attentivement.

Visiblement ils n’ont pas l’habitude de cette prise de parole prolétaire. J’ai joué l’effet de surprise au moment voulu en argumentant, non sans émotion dans la voix.

La direction tente de m’interrompre plusieurs fois sous prétexte que ce n’est ni le lieu ni le moment pour tenir de tels propos. J’ai impacté à un moment où le traitement réservé aux salariés n’est plus tolérable. Dans cette France de plus en plus injuste, il est de plus en plus nécessaire et vital de dire stop lorsque les limites sont dépassées.

Il est temps de dire non, stop, de dénoncer les abus, les coupables, les injustices, de protéger, de faire une masse de contre pouvoir pour un monde désirable.

  • LE DÉPART 

En partant, au moins trois collègues m’ont gentillement souhaité bonne continuation. J’ai vu des sourires qui en disaient long, qui raisonnaient comme un « merci ».

Sur mon départ, deux salariés me confessent qu’ils partagent ma position, que nous sommes traités comme des moins que rien. Aucune lutte n’est vaine. J’ai fais ma part. Je m’efforce de faire ce que je peux avec mes possibilités humaines, en accord avec mon être, qui je suis, ce que je veux et je continuerai. Je m’efforce de ne retenir que le positif de cette expérience pour aller de l’avant de manière constructive, pour un avenir commun désirable.

Les multimilliardaires comme Jeff Bezos ont un objectif simple: accroître leur richesse de manière infinie. Ils soignent à diviser les consommateurs pour les asservir. Ils sont responsables de la casse du service public qu’était la poste.

Les gouvernements successifs déroulent le tapis rouge aux multinationales et au rassemblement national. Nous avons intérêt, nous citoyens, à nous unir pour défendre nos acquis qui s’effritent. Gandhi disait : « Incarne le changement que tu veux voir dans le monde ». 

TerreTerre

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La poste qui était un service public à destination du public est devenue en étant privatisé : un service à rendement pour les patrons qui doit distribuer courrier et colis aux français

La droite et ses inconditionnels ont tellement critiqué la poste en tant que service public et ont fait tout pour qu’ elle soit privatisé , ont fait en sorte que le service rendu au public est pire que celui qu’ils critiquaient quand la poste était public ; la poste privatisé ne rend plus les services qu’ elle rendait et qu’ elle devrait rendre !

Les employés (es ) de la poste actuelle doivent faire du chiffre , n’ont plus le droit de parler aux clients de la poste , les facteurs ; les facteurs sont maintenant que des numéros !

Il n’y a pas qu’à La Poste que l’on retrouve ce mode de gestion complètement déshumanisé.

Du chômage, des immigrés prêts à tout accepter pour un travail, des travailleurs sans papiers dans certaines branches, on n’est pas prêt de sortir de ce système des intérimaires kleenex et des CDI licenciables sans grand coût financier avec les dernières lois favorables aux employeurs.

Le faire savoir, le dire autour de soi est un début pour tenter, sans grand espoir, de tempérer ces méthodes managériales de notre nouveau monde2.0.

Ce ne sont plus nos dirigeants qui gouvernent. Essayons d’en changer, mais il faudra aussi sortir des griffes des grands prédateurs de la finance. 

Ce n’est pas gagné, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras.

Oui ? il n ‘ y a pas qu’ à la poste que cela se passe comme indiqué dans l’article ; cela se passe dans tous les services public qui ont été qui sont privatisés

Nous avons connu le boulot de facteur pendant l’âge d’or il y a quelque temps déjà à la ville et à la campagne , en gros travail le matin de 6h30 à 13h30 quand tu maîtrises bien ta tournée. Vélo mais aussi en voiture . Levée des boîtes et emmener les sacs au Talgo du soir…

La situation s’est bien dégradée comme il est écrit et les nouveaux facteurs en a font les frais, découpages et redécoupages multiples des tournées, petits chefs parachutés dans la région qui veulent t’apprendre le local alors que toi tu connais toutes les stratégies pour une organisation rationnelle et rentable…alors que lui ne connait rien

La situation est actuellement ,est maintenant pire que celle que critiquaient la droite et ses soutiens

22 ans à la Poste de notre côté, à la Distribution, au tri , fonctionnaire. Tout ce que vous racontez est vrai, et c’est souvent bien pire. Nous sommes partie ; en retraite , et nous nous en félicitons tous les jours. C’était littéralement une question de survie. Ils détruisent les corps et le morale sans scrupules. Les horaires, l’intensité du travail, le stress, le non sens des directives… Un exemple de destruction du service public. 

Voila comment deviennent les services public devenu privatisés

Merci la droite ,Macron ,la macronie , LR , le RN